Ce que les autres pensent de nous
Créé par tshuapadeveloppement le 30 oct 2007 à 18:54 | Dans : Non classé
Cher Frère, Chère Soeur,
Parfois il n’est pas mauvais de savoir ce que l’autre pense de toi, même si cela ne t’est pas flatteur du tout. Au fait on ne sait pas bien se regarder soi-même.
Une jeune dame, observatrice des élections pour le compte de l’Union Européenne qui a séjourné à Boende pendant la période électorale. Elle anime un blog http://raphinkabul.livejournal.com/
Voici quelques extraits de ce qu’elle dit dans son blog:
1. A propos de la paresse des gens et de la mendicité
»Quel étonnement donc lorsque des villageois nous abordent – mon collègue et moi – en nous disant que cela fait deux jours qu’ils n’ont pas mangé alors même qu’ils poussent une cargaison. Renseignements pris, ils n’ont pas mangé de viande ou de poisson. Le pondu, feuilles de manioc bouillies, ou le chikwenge ne sont pas considérés comme de la nourriture en tant que telle, de même que les fruits, alors même qu’ils constituent la base de l’alimentation. Caprice d’un pays qui a pris l’habitude de tout recevoir, que ce soit de la jungle, de ses gouvernants ou de l’étranger. Sans introduction ni faux prétexte, le mari de la n°1 du district, le rang le plus important, me prend à part et me dit « Maman, quand tu partiras, tu me donnes quoi ? ».
Etonnement et incompréhension du major algérien de la MONUC devant tant de terres fertiles laissées à l’abandon et devant le peu de mise en valeur d’un territoire si généreux. « M’enfin, mamzille Raphaille. J’y comprends pas. Chi moi, y plit pas, ci li disert, mi on fit tout pousser. Ici, j’i comprend pas. Y pleut toujours, y a tout qui pousse et i kiltive pas ! ». Echec désespérant de l’indépendance, attitude désastreuse des dirigeants et qui se reflète sur la population. Tout argent reçu est gaspillé, dépensé en frivolité et en apparence. C’est le règne de la sape et du paraître.
Aucune notion du bien public, de la chose commune. Un exemple : les trous sur la piste nous conduisant à la mission s’aggravaient de manière spectaculaire, même compte-tenu de l’érosion. Ces trous rendaient le passage même d’une moto ou des piétons difficiles. On s’est rapidement aperçu qu’un des voisins fabriquait des briques pour sa maison. Au lieu de récupérer la terre devant chez lui, il allait tout simplement se servir sur la piste, aggravant le travail de l’érosion et pénalisant la circulation de ses compatriotes. Quand mon collègue et moi demandions si les voisins allaient se concerter pour combler les crevasses, la 1ère réponse fut « nous n’avons pas d’argent ». Quand nous faisions remarquer qu’on trouvait de la terre partout et que tous possédaient des outils, un hochement d’épaule fataliste accueillit cette constatation « Les Blancs vous savez. Nous, Maman, on sait pas ». Les trous se trouvaient toujours là à notre départ.
Une multitude d’exemples similaires existent et posent un problème à la personne que je suis. Par leur attitude, les habitants poussent au paternalisme alors même que je suis arrivée dans ce pays en voulant en éviter les pièges. C’est frustrant et démoralisant. Il serait aisé, sans doute trop, d’expliquer ces attitudes par la seule colonisation, de faire vouloir faire porter la responsabilité de tous les maux du Congo aux colonisateurs passés et présents. Le fardeau de l’homme blanc est à terre depuis longtemps, c’est désormais celui du continent africain et de ses dirigeants, et il me peine de dire qu’ils ne le portent pas mieux, sinon moins bien que les « civilisateurs » belges ou français. Actuellement, pas de leaders, pas de dirigeants qui ne soient obnubilés par autre chose que leur profit personnel, la consommation à outrance, se conformant ainsi à l’idéologie en vigueur. Malheureusement la consommation à outrance n’offre pas un cadre de développement, une fin en soi…et c’est bien là le problème. »
Le bureau du Territoire de Boende, situé au carréfour vers l’aérodrome, la ville, le rivière Tshuapa et la route de Monkoto, vers la mission Baliko
Elle parle de manière flatteuse de la mission catholique Saint Martin (Mission Baliko) où elle a logé et où elle a goûté à la sauce des pères blancs. Lis
« Mon coéquipier et moi habitons à la mission St Martin, un peu à l’écart du village, chez des pères flamands qui, après une journée d’hésitation, ont accepté de nous héberger. Cette mission est un petit paradis dans un cadre déjà idyllique. Les pères sont au nombre de 3. Le père Joseph, un jovial sexagénaire, enchanté d’avoir de la companie. Le père Oskar, un peu plus jeune, plus froid au premier abord mais qui discrètement fait tout pour nous faciliter notre séjour. Le père Bart enfin, 32 ans et seulement quelques mois au Congo et qui vient poursuivre la mission des prêtres à Boende. Tous trois sont une source d’information incomparable sur une région qu’ils parcourent jusqu’aux villages les plus reculés depuis plus de 30ans. Ce sont d’eux –et des personnes rencontrées – que nous tenons nos informations sur le Boende d’avant 75. La mission se compose d’un grand bâtiment carré où nous logeons et qui s’ouvre sur une cour intérieure ; de deux écoles primaires et secondaires et d’un bâtiment plus petits où les sœurs viennent de s’installer. L’eau de pluie – nous sommes en zone équatoriale et il pleut pratiquement tous les jours – est recueillie dans des citernes pour la lessive ou la douche, elle est aussi filtrée pour la consommation quotidienne. Des arbres ont été plantés qui fournissent la plupart de l’alimentation. Le père Josef s’occupe également de 77 poules – qui à son grand désespoir ne pondent que deux à trois œufs par semaine . Bien sûre, certaines meurent régulièrement de causes inexpliquées, mais on ne parle pas de grippe aviaire ici.
Les repas sont somptueux, preuve qu’avec ce que l’on trouve localement et un minimum d’initiative, il est possible de se nourrir correctement. Toujours un bouillon de légume (ignames, ocras et autres) pour débuter le repas et ce malgré la chaleur accablante de la mi-journée. Puis viande (poulet bicyclette, dur à souhait, cochons en sauce – ils prolifèrent en semi-liberté dans le village, poulet à la moambe, sauce à l’huile de palme et arachide) ou poisson (principalement du poisson-chat, plein d’arêtes et vaseux), le tout accompagné de chikwenge (pain de manioc), de riz, de pondu (feuilles de manioc revenues) ou de délicieuses plantains caramélisées. De temps en temps, le dimanche, une crème dessert au chocolat ou même des gaufres pour célébrer l’arrivée du bateau (et donc de la farine…), le plus content étant le père Joseph, un gourmand impénitent, tout heureux d’avoir une excuse pour cuisiner. Et des fruits, en quantité : des methanics, sortes de litchis poilus à la chair juteuse ; des mangoustans : sous une coque rougeâtre se cache un fruit blanc légèrement acidulé…un délice ; des bananes, des ananas, pommes cithères et autres poires roses. »
Elle parle aussi de la débrouillardise des gens, action téléphone à 4h du matin et de Radio Bonanga
« Il ne s’agit pas là de dresser un portait fataliste, voir défaitiste mais plutôt de souligner l’indigence des gouvernements nationaux et internationaux qui ont laissé un tel marasme s’installer dans un pays au potentiel si élevé. Car en effet, à côté de ce laissez-aller, une telle créativité, un telle fantaisie co-existe. Elle s’illustre dans le nom des magasins : Disco La Bible ou boulangerie « Le pain de Bethanie » à Kisangani, les prénoms : Giscard ou Henri-quatre rencontrés au grès des listes électorales…Nous avons également remarqué un Egoutte-Marcel à la signification plus que douteuse…sans doute un échec des méthodes de contraception traditionnelles !
C’est également l’ingéniosité du loueur de téléphone qui passe dans la rue au petit matin (4h quand même…), au moment où les communications sont les moins chères en criant « Action Vodacom » ou « Action Celtel » et loue les unités de sa carte SIM pour une communication vers Kisangani, Kinshasa ou Lumumbashi. Les « Parlements debouts », ces kiosques qui vendent des photocopies des journaux, permettant ainsi la diffusion des nouvelles les plus récentes. cela dit, ils n’existent pas à Boende car les journaux n’y parviennent pas. L’exemple de Radio Bonanga est aussi édifiant. Radio Bonanga fonctionnait sans émetteur jusqu’à sa récupération par le PPRD – le parti présidentiel et l’arrivée à point nommé d’un émetteur – et par la volonté d’un seul journaliste. Soké Ilonga Guy, qui s’autoproclamait « l’homme le plus populaire de la Thsuapa » a parcouru le district à pied, pendant 10 ans et muni seulement de son mégaphone, faisant partager aux villages les plus reculés les nouvelles entendues sur les ondes nationales. Sa rémunération : la publicité. Un avion arrive, il parcourt la ville et invite les habitants à venir déposer leur fret à l’aéroport. Pareil pour le bateau : l’ONATRA le paye pour informer les villageois de l’arrivée du bateau que l’on attendait plus. Ma Bea, le restaurant local, propose une offre promotionnelle sur la Primus – la bière locale – ou les « sucrés » – les sodas – et il s’assure que tous en sont informés. »
Ce mégaphone qu’utilise maman Toluke est la « radio » de Radio Bonanga
Elle termine en parlant du délabrement de la ville
« Ce qui marque lorsque l’on arrive à Boende, c’est le sentiment d’être hors du temps, hors du monde, oublié de tous. A l’écart. J’ai l’impression de retrouver l’atmosphère du livre de Naipaul.
La ville fut jadis une bourgade prospère, bénéficiant du commerce fluvial qui apportait des denrées jusqu’aux comptoirs les plus reculés dans la jungle, comptoirs qui approvisionnaient les grandes plantations d’hévéa et d’huile de palme qui prospéraient dans la jungle. Aujourd’hui l’aéroport est une ruine, le dernier bateau en provenance de Kinshasa a mis 6 mois pour arriver au port, troupeaux et plantations ont été dévastés par l’absence de politique rationnelle et les combats successifs. La ville disposait autrefois de l’électricité et du téléphone, il ne reste désormais que les carcasses des disjoncteurs et les squelettes des poteaux. Le téléphone portable n’est arrivé que depuis un an, et encore, avec intermittence. Jadis, l’hôpital pratiquait des césariennes sur les femmes des propriétaires des plantations. Maintenant, les stocks sont vides et il faut 5 mois à la sage-femme pour s’acheter un sac de farine alors qu’avec un salaire mensuel, elle pouvait, il y a quelques années encore, s’en acheter quatre. Les maisons coloniales, surplombant la rivière Tshuapa et qui ont vu séjourner Mobutu, Giscard et consorts en villégiature, n’ont pas été entretenues depuis 40 ans. Rien n’a été construit depuis, tout s’est dégradé, comme acceptant avec résignation l’oubli par les gouvernants et la capitulation inéluctable face au retour progressif de la forêt. Il fallait jadis une journée pour faire les 600km qui séparent Boende à Ikela. Il faut désormais plus de 2 jours et demi – au mieux en moto, car les voitures ne passent plus – et encore si les bacs – de simples pirogues – sont en état de fonctionner. Bien des parties du district sont inaccessibles par tout autre moyen de transport que la marche. De toutes façons, à Boende, seule la responsable du district, la MONUC et 1 ou 2 dignitaires possèdent une voiture. Les commerçants portugais qui peuplaient l’intérieur des terres et les comptoirs ont déserté, laissant derrière eux des cohortes de métis…et leurs mères. »
Ecole Ikedji à Monkoto, de là aussi sortiront des Ministres, cette photo prise aujourd’hui (30 octobre 07) à Monkoto par Lidjo Bolonga nous est arrivée aujourd’hui même par la magie de l’Internet. Monkoto n’est pas aussi enclavé que l’on penserai. Il est une station du Parc National de la Salonga, site du Patrimoine Mondial où des financements multilatéraux permettent par exemple qu’il y ait l’Internet. Mais si le Parc arrivait à disparaître…
Et pourtant à Monkoto il y encore des produits forestiers non ligneux comme le copal « mbaka » qui ont fait avec le latex, la richesse de Léopold II
Chers Frères et Soeurs de la Tshuapa,
Ce blog n’a d’ambition que de faire connaître les réalités de notre futur province. Tu as un texte sur l’économie, l’histoire, les tribus, la culture ou des photos, envoies les nous à l’adresse mail suivante tshuapa.developpement@yahoo.fr
Une réponse to “Ce que les autres pensent de nous”
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Un blog qui ouvre au monde notre district, brisant ainsi son isolement mediatique. Quelle initiative louable! Je prie Dieu de venir en aide aux animateurs de ce blog pour qu’ensemble, connaissant les realites de notre district, nous transformions nos conditions de vie.
Un eceuil, cependant, est a eviter : le demon de la division !
Que nos divergences politiques ne nous fassent pas oublier notre unite en tant que fils et filles de la Tshuapa. Que nos interets pecuniers, nos attitudes clientelistes ne nous detournent pas de l’essentiel, a savoir: la reflexion et l’action autour du devenir de notre district, quand viendra l’heure de sa transformation en province.
En attendant, je formule le voeu de voir cette oeuvre prosperer.